samedi 3 octobre 2009

Le vélo et l'art de la tartine. Ou éloge de la fuite.

Bon, c'est connu, une partie du grand sourire niais que j'arbore en moulinant est causé par cette merveilleuse hormone qu'est l'endorphine. Mais l'endorphine n'est pas la seule coupable de ce bonheur si accessible qu'est le vélo au quotidien. Quand j'en ai pour la peine, disons une petite heure de trajet avant d'arriver au boulot, j'oublie tout : les soucis, les tracas, les ennuis, gros et petits, passés ou à venir. J'oublie la mouture de café bouillante, renversée dans le tiroir à ustensiles juste avant de partir. L'horaire impossible de ma journée à venir, que même un spécialiste de logistique au Pentagone ne pourrait résoudre : oubliée! Le gros dossier sur lequel je procrastine depuis des semaines et qui m'attend à l'arrivée : oublié ! Et je suis là, béate, sur mon vélo, qu'il pleuve ou qu'il fasse soleil, à fuir si délicieusement, dans cette bulle, dans le pur bonheur d'échapper à tout pour quelques précieuses minutes. Si c'est un de ces jours d'état de grâce, invariablement, à l'arrivée je pense à ... Gorodish. Serge Gorodish, le personnage du romancier Delacorta, porté à l'écran par Jean-Jacques Beineix, dans le film culte de 1981: Diva. Personnifié par Richard Bohringer, superbe, une vingtaine d'années en moins, flottant dans son loft tout bleu, avec machine à vagues et musique planante, et qui fait la leçon au personnage principal, Jules, lui expliquant ce qu'est l'art de la tartine, son zen, son satori à lui. Scène célèbre où il explique que pour lui, à ce moment-la : "il n'y a plus rien, plus de pain, plus de beurre, plus de couteau, il n'y a qu'un geste..." Certains jours, on pédale et on atteint cet état de grâce, il y a ce moment où il n'y a plus rien : plus de circulation, plus de pluie, plus de vent, plus de vélo, plus de mécanique, plus de piste cyclable, il n'y a plus qu'un geste, sans cesse répété, un mouvement, fluide, continu, et l'on est soi-même emporté dans ce mouvement, dans cette exaltation.

J'ai bien dit certains jours. Parce qu'il y a aussi les jours où rien ne va. Où l'on dirait que c'est un combat entre soi, son esprit, son corps et le vélo, pas synchrones, pas fluides, pas transcendants du tout. Et là je pense à ce qui m'attend au boulot. Et au gâchis du tiroir à ustensiles plein de mouture de café qui attend mon retour à la maison.

Je sais que cet hiver, je retrouverai cette fuite délicieuse en faisant des longueurs de piscine. Mais c'est pas pareil. Il n'y a pas cette sensation de liberté que procure le vélo. Et le grand air, c'est quand même mieux que les odeurs de chlore ...

2 commentaires:

Alec a dit…

Aah! Que cela fait du bien de lire ces lignes. Elles décrivent si bien ce moment hors du temps que peut être un trajet en vélo. Pour ma part, l'oxygénation stimule mon cortex et les concepts fusent. C'est un moment de grâce où les idées jaillissent.

seb a dit…

superbe post, j'adore