lundi 9 août 2010

Vélo anyone ?

Si je parle de vélo sur un site de vélos, je l’admets, je prêche aux convertis. Mais je ne peux réfréner un élan de prosélytisme ces temps-ci alors que j'observe le clivage entre les automobilistes et les cyclistes qui ont à partager la route. Je me dis que cette situation ne sera résolue que lorsque la loi du nombre penchera en faveur des amateurs et usagers de la petite reine. Et ce nombre, on ne l’atteindra jamais assez vite à mon goût. Parce que trop de monde continue de croire que le vélo est hors de leur portée : c’est pour les autres. Et ces autres ne les concernent pas.

Or, ces autres, il suffirait de si peu pour que ce soit eux. Il suffirait ... d’un vélo. C’est tout. Un vélo neuf ou usagé. Un vélo emprunté. Un Bixi. Il suffirait d’une petite emplette faite à vélo. Un détour par la rue suivante. Le plaisir retrouvé de se mouvoir par son propre pouvoir, libre, dans l’air frais. D’être dans la beauté du jour, de ne pas rater ça, jour après jour justement.

Je meurs d’envie de connaître des statistiques telles que : quel est le trajet moyen en km des Montréalais qui se déplace dans Montréal. Je parie que cette distance est totalement faisable en vélo. Moi qui vélo-boulot aussi loin que dans des banlieues hors l’île, je le sais. La conversion de ces Montréalais constituerait pour chacun une économie d’argent et de temps, avec en plus, le stress en moins ET le plaisir retrouvé. Je suis magnanime : je vous épargne le préchi-précha pro-environnement. Mais c'est un fait, il y a aussi cet aspect qui n'est pas à négliger.

Tout comme les ex-fumeurs sont plus radicaux que les non-fumeurs, j’ai moi aussi la foi et le zèle des nouveaux (re)convertis puisque je suis de ceux et celles qui s’y sont remis après une couple de décennies d’absence sur deux roues. C'est à peu près aussi en forme qu’un vieux divan qu’on envoie finir ces jours au chalet, en surpoids, pitoyable et ridicule que je suis (re)montée en selle. Et j’ai soufflé et poussé et tiré et pédalé, jusqu’à ce que - étonnament rapidement - ça redevienne la chose la plus naturelle du monde. Une chose qui me demande de moins en moins d’efforts pour des distances de plus en plus longues, et à chaque fois, le plaisir est au rendez-vous. Au début, j’allais à l’épicerie, et c’était un exploit. Maintenant, je vais faire un petit 15 ou 30 km le matin, avant d’aller au boulot, parce que mon trajet de vélo-boulot, un 20 ou 30 km aller-retour, c’est pas assez pour ma grosse dent, c’est juste un teaser frustrant.

Le vélo-boulot me fait profiter de chaque journée qui, sinon, serait entièrement bouffée par le travail et les aléas de la vie quotidienne. Il me permet de savourer à petites bouchées le passage des saisons. Puis, les ballades et les randonnées en extra, un petit 40 ou 50 km par çi par là, c'est juste pour le plaisir, pour redécouvrir cette île et ses berges et ses banlieues. Avant que les citrouilles de l’Halloween ne viennent me lancer leur sourire inquiétant j'aurai cumulé autant de km que si j'avais roulé en droite ligne vers Vancouver. Pas mal pour une... 2e saison. Et je ne roule pas l’hiver. Vous voyez : il n’y a rien d’héroïque à ma pratique du vélo.

Je regarde parfois les gens au volant de leur voiture. Je me revois, assise dans la mienne, à pester contre la circulation. Je les regarde, et j’essaie de me souvenir qu’est-ce qui m’empêchait de croire que je pourrais pédaler pour aller travailler. Je me souviens d’avoir pensé que ca devait être proprement surhumain de faire ça, au q-u-o-t-i-d-i-e-n. Que sûrement il fallait être HYPER en forme. Et avoir beaucoup beaucoup de temps. Et du temps, moi, je n’en avais PAS. Aujourd’hui, ce que je trouve surhumain, ou ... inhumain, ce sont tous ces gens qui vivent dans leur voiture, pare-choc à pare-choc, surtout les jours de beau temps. Je vois leur vie s’écouler entre les murs de tôle de leur auto, soir et matin, et ça m’afflige. Six, sept mois par an, j’échappe à ce sort que je connais trop bien.

Autour de moi, tout plein de monde qui pourrait s’y mettre. À commencer par des gens qui vivent à Montréal et travaillent à Montréal. De courts trajets qu’ils et elles font en transport en commun ou en voiture. Tous nous servent les mêmes motifs :

J’ai peur de rouler en ville.
La peur, il en va pour le vélo comme pour tout le reste dans la vie : la peur, tu lui donnes un pouce, elle prend un pied. La prochaine chose que tu sais, tu ne vis plus, tu ne risques plus rien. Et il ne t’arrive plus rien dans la vie. La peur, il faut lui faire la peau, la trucider, chaque matin quand on écoute les nouvelles. Puis, sortir rouler de la façon la plus sécuritaire possible et profiter de la vie pendant qu’elle passe.

Je veux pas arriver au boulot trempé, en sueur.
Roule moins vite. Un point c’est tout. Si tu as 5 ou 10 km à faire, tu as amplement le temps de les faire tranquillos. À rouler pépère, 10 km à l’heure, ça prendra moins d'une heure, de porte à porte, avec en prime zéro casse-tête pour le stationnement.

J’ai pas le temps. J’ai trop long à faire.
Je vais à Laval en voiture un peu avant le pire de l’heure de pointe : il me faut 50 minutes. Je vais à Laval en vélo, en plein dans l’heure de pointe : 50 minutes. Nul besoin de dire que les deux trajets consistent en des expériences radicalement différentes quant au plaisir éprouvé.

La pluie.

Petite pluie, je roule avec ce qu’il faut pour rester au sec. C’est grisant l’odeur d’une pluie de printemps, ou une chaude pluie d’été. Grosse pluie : je laisse le vélo au boulot, je reviens en métro+bus. Même chose par chaleur accâblante. J'essaie de combiner vélo et métro, quand les heures me le permettent.

Je ne suis pas une cyclosportive, je ne fais pas de course, je ne m’entraîne pas sur un vélo de route hyper performant. Je ne porte pas de jersey sponsorisé. Mais je roule. Pas mal. Pour le boulot, pour les courses, pour le plaisir, pour les sorties, pour rien, pour flâner, pour explorer. En fait, c’est plus qu’un mode de transport, c’est un mode de vie, un rapport au monde, le choix d'une échelle pour ce rapport : la proximité.

Je fais partie du flot anonyme de cyclistes qui roulent de par la ville, sans visage, sans nom, sans histoire, sur des vélos abordables*. Un groupe auquel il me plait d’appartenir. Une appartenance silencieuse mais tenace. Parce qu’ainsi je participe du nombre justement. De ce nombre qu’il nous faudra atteindre pour que ça commande un plus grand respect envers les cyclistes urbains, et autres, et c’est ce respect qui sera garant d’une plus grande sécurité pour nous tous.

Alors... vélo anyone ? Vous embarquez ? On ira pas vite. Juste là, au coin de la rue, puis on prendra par le parc, là où le temps existe.

*Je me suis remise au vélo sur un tank, un gros vélo hollandais que j'ai revendu depuis. Puis, j'ai craqué pour un Opus Classico, un vélo urbain qui impose le rythme du slow bike, un vélo pour flâner, pour découvrir la ville, les quartiers, etc. C'est un vélo pour prendre son temps. Puis, pour la grosse besogne, j'ai un vélo cargo. Celui là est un cheval de trait, une fabuleuse bête de somme. Et finalement, pour les plus longues randonnées, j'ai acheté un vélo usagé, un hybride, qui a l'air d'être allé à la guerre et d'en être revenu. Ces vélos là se sont payés tout seul en économie de stationnements, de parcomètres, d'essence, de contraventions, etc. Pour aucun je n'ai eu besoin de financement sur 60 mois, ni de contracter une assurance à la Loyds de Londres.

Crédit photo : Merci à Richard Lehoux pour Pédale avec ta tête. CC Creative Commons.

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