samedi 16 janvier 2010

Le bonheur est dans le ... garage

J’ai tout essayé. Le vélo stationnaire. J’ai écouté un million de podcasts pour tromper mon ennui pendant que je pédalais sur cet engin. Mais la position du vélo stationnaire, ça n’est tout simplement pas la position qu’on a sur un vrai vélo. Les longueurs de piscine s’occupent de me garder la forme cardio-vasculaire. Mais pour les jambes, c’est pas terrible. Il me faut mouliner.

J’ai essayé la classe de spin. Mais je ne me sentais pas vraiment à l’aise dans la faune du gym que j’avais choisi. Un de ces lieux pour voir et être vu. Pas du tout l’ambiance recherchée.

Comme il a été prouvé maintes et maintes fois déjà que le ridicule ne tue pas. Vrai ? Alors, n’en pouvant plus, j’ai enfourché ma bicyclette dans le ... garage.

C’est que j’habite un gros immeuble, de cette architecture de béton qui ne passera jamais à l’histoire. Ni l’histoire de l’architecture, ni l’histoire avec un petit h, ni l’histoire avec un grand h. Pas même l’histoire du béton j’en ai bien peur.

Mais, en cette période de sevrage de vélo, je dois dire qu’il a un grand mérite mon immeuble : un grand stationnement sous-terrain, et de surcroît, plutôt désert à certaines heures du jour et de la soirée. Le dit stationnement est, tout comme l’immeuble lui-même, en forme de U. Le trajet, d’une extrémité à l’autre de ce grand U fait 1/5 de km, cyclomètre à l’appui.

Je prends la bicyclette, puis je pense à un trajet, je visualise n’importe lequel des trajets que je fais pendant la saison, disons de chez moi jusqu’au Vieux Montréal où je travaille régulièrement, j’en estime les km de ce trajet aller-retour, et je fais suffisament de ces 1/5 de km pour arriver au total voulu. Le tout ... dans le garage.

Vous comprendrez que 1/5 de km avec deux virages à angle droit, un au quart du trajet, et un deuxième au trois-quart du trajet, ça fait des accélérations et décélérations multiples, sans compter les deux virages à 360 degrés, un à chaque bout. Super pour les accélérations. Virages excitants. Toutes et chacune des manoeuvres est éxécutées dans le plus pur bonheur. Plus jouissif encore : alors que défile dans mes oreilles le très tonique No Heaven de DJ Champion, et que je me trouve juste à la sortie d'un de mes virages en tête d'épingle, et qu'au même moment la voix out of this world de Betty Bonifassi, pousse son Oh Lord there aint no heaven! Oh Lord there aint no heaven!

Nous devons donc réviser la théorie : non seulement le ridicule ne tue pas, mieux encore, il rend heureux. Parce qu’aussitôt que j'ai dans le corps une dizaine de ces allers-retours (donc 2 km), j’arbore ce sourire parfaitement béat que j’ai habituellement quand je roule en ville. Que Dieu, Boudha ou Toutatis bénisse les endorphines!

Les résidents qui descendent au garage pendant que j’y roule me sourient en retour (forcément, c’est contagieux). Et ils semblent tous, sans exception sincèrement sympatiques à ma cause. Ca à l’air de les réjouir complètement que cette vision d’une femme à bicyclette, avec un grand sourire fendu jusqu’au oreilles, au milieu de cet univers de béton froid et gris et humide et triste, sans horizon, sans lumière du jour, avec pour tout ciel un plafond bas où courent néons et gros tuyaux de chaufferie, un espace horizontal qui n'a pour tout mobilier - hormis les véhicules stationnés, aux aguets - que des containeurs sinistres et des bacs géants de récup. Certaines personnes se tiennent en retrait, observent, osent des petits gestes d’encouragement. D'autres m’adressent quelques mots au passage ou encore s’attardent pour me voir repasser.

Peut-être ont-ils l’impression qu’à force de faire du vélo dans leur stationnement, je travaille pour eux aussi, sorte de danse rituelle, incantation, transe vélocipédique qui viserait à faire venir le printemps plus vite. Malheureusement, j'en ai bien peur, je n'ai pas un tel pouvoir. Mais ce qui est certain c’est que l’hiver me paraîtra moins long!

Crédit photographique : 2 Bike garage par Theresa Redinger. Exposition de groupe Making Camp.

1 commentaire:

Alec a dit…

L'atmosphère obscure, l'odeur d'humidité, de gaz et de poussière, les résonances et échos multiples, le ronronnement électrique des systèmes d'éclairage et surtout le temps suspendu... Je me souviens de mes terrains de jeu, mes cachettes... J'ai passé mon enfance dans ces lieux cubistes et "post-futuristes". Merci pour la résurgence de ces images.