Vous pourrez aller à vélo à la magnifique
exposition -
Le verre selon Tiffany : la couleur en fusion - puisqu’elle est parmi nous jusqu’au 2 mai prochain au
Musée des Beaux-arts de Montréal.
Je crois que ce sera un autre très bon coup du Musée, puisque voilà une exposition véritablement accessible à tous, et où l’on cotoîe dans une proximité étonnante des oeuvres de
Tiffany exposées dans toute leur splendeur, leur magnificence. Les vases, luminaires, vitraux rivalisent de beauté sous nos yeux et témoignent d’une époque haute en couleur, au propre et au figuré.
L’exposition nous apprend toutes sortes de choses sur la grande épopée
Tiffany qui dura plus d’un siècle. Par exemple, quelles étaient les influences de la première heure, en l'occurence les mosaïques d’Afrique du Nord. Que Tiffany le créateur était doublé d’un homme d’affaires qui savait bien s’entourer. Que son apport véritable à l’art du verre, c’est précisément le verre, c’est-à-dire qu’avec chimistes et artisans, il a mis au point des procédés qui permettaient de créer des couleurs, des textures, des motifs nouveaux, élargissant d’autant la palette, le vocabulaire des artistes du verre.
Quand on entend le nom
Tiffany, on pense tout de suite aux lampes célèbres. Et on croit que Tiffany en était l’auteur exclusif. Et c’est ici que l’exposition nous éclaire sur des aspects moins connus de cet empire de l’
art nouveau.
Était-ce l’époque qui voulait ça, ou le fait qu’il s’agit ici d’un industriel ayant à son service des centaines de personnes, et non pas d’une production artisanale, mais ce qui est clair maintenant c’est qu’il y avait d’autres créateurs et inventeurs dans l’ombre de Tiffany : des artistes, des chimistes, des ingénieurs dont les noms ne nous sont parvenus que très tardivement.
Pour n'en nommer que quelques uns : Arthur J.Nash, et Leslie, son fils, qui supervisaient les opérations de création du verre et les fonderies, A.Nash étant l’auteur du fameux verre
Favril qui a rendu possible la création de nombreuses pièces
Tiffany célèbres. Puis, encore méconnue jusqu’à tout récemment,
Clara Driscoll (1861-1944), qui aurait conçu les modèles de lampes les plus
iconiques de l’oeuvre
Tiffany, lampes dont on voit quelques modèles dans l’exposition. Son rôle a été mis à jour en 2005, lorsqu’un chercheur en histoire a découvert la correspondance qu’elle entretenait avec sa mère. C’est par ses lettres, où elle explique son travail chez
Tiffany, et par les
recherches qui s’ensuivirent par la
Société d’histoire de New York, qu’on découvre en elle une femme véritablement d’avant-garde, et l'importance de son rôle au sein de
Tiffany.
À une époque où les femmes avaient peu de choix de vie, encore moins de choix de carrières – se marier et avoir des enfants, devenir enseignante ou religieuse – Clara reçoit une formation en art, vit seule dans le New York de la fin du 19
e, début 20
e siècle, et elle est responsable de l’atelier où l’on choisit et coupe le verre. Dans cet atelier, elle a sous ses ordres un cinquantaine de femmes que l'on nommera les
Tiffany girls. Plus étonnant encore, sa correspondance nous révèle qu'elle se rend au travail ... à vélo. Complètement atypique pour une femme de son époque !
Ces dans ses fonctions à l’atelier qu’elle crée ces oeuvres magnifiques pour
Tiffany. En effet, on observe un changement esthétique dans la production au moment où elle occupe ses fonctions chez
Tiffany : les motifs géométriques froids font place aux formes courbes, aux motifs organiques, aux fleurs, feuilles, insectes, et à une palette de couleurs différente.
L’on sait que la compagnie
Tiffany & Co produisait à ses débuts bijoux, argenterie, papeterie, et c’est à cette même époque, vers 1890, qu’ont été conçus des
... vélos! Non pas en verre, mais aux cadres sertis d’argent, avec poignées en ivoire, des vélos qui ont existé en très peu d’exemplaires. J’ai donc imaginé un Tiffany reconnaissant de l’apport indéniable de Clara aux ateliers
Tiffany, lui offrant l’un de ses vélos, à elle qui roulait dans les rues de New York chaque jour pour se rendre au travail.
Malheureusement, l’histoire ne nous dit que bien peu des rapports entre Tiffany et la cheffe d’atelier. Ce que nous savons cependant c’est que l’un des rares exemplaires de ce vélo a été vendu aux enchères chez
Bonhams l’an dernier, au montant de 57,000$. Il avait été conçu pour l’actrice américaine Lillian Russell.
N.D.L.R. : Nous tenons à préciser qu'il n'y a pas d'exemplaire de ce vélo à l'exposition Tiffany du Musée des Beaux-arts de Montréal.
Sur Arthur J.Nash, : Behind the scenes of Tiffany Glassmaking. The Nash Notebooks. St-Martin’s Press. 2001.
Sur Clara Driscoll : A new light on Tiffany : Clara Driscoll and the Tiffany Girls. D.Giles Ltd. 2007.
Crédit photographique : Clara Driscoll dans son atelier aux Studios Tiffany, en compagnie de Joseph Briggs, 1901. New York. Département des arts décoratifs, Metropolitan Museum of Art.
[*Uchronie : genre qui repose sur le principe de la réécriture de l’Histoire à partir de la modification d’un événement du passé. L’auteur d’une uchronie prend comme point de départ une situation historique existante et en modifie l’issue pour ensuite imaginer les différentes conséquences possibles.]
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